Nous savons que vous savez : Le président Rajoelina a perdu sa nationalité malagasy
Nous savons que vous savez
Tel est le titre d’un article paru dans le journal en ligne Madagascar Tribune, sous forme d’une lettre ouverte au Président Macron.
Hasard du calendrier ? Le chef du principal parti d’opposition en Côte d’Ivoire, M. Tidjane Thiam, a été radié de la liste électorale par la Justice. Une décision non susceptible de recours qui le prive de la possibilité de se présenter aux prochaines présidentielles ivoiriennes prévues se tenir en octobre 2025 : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2025/04/22/en-cote-d-ivoire-tidjane-thiam-le-chef-du-principal-parti-d-opposition-radie-de-la-liste-electorale-a-six-mois-de-l-election-presidentielle_6598881_3212.html .
La Justice ivoirienne a jugé que M. Tidjane Thiam a perdu sa nationalité ivoirienne conformément aux dispositions du code de la nationalité ivoirien, puisqu’il a acquis la nationalité française alors qu’il était déjà majeur.
Le chef de l’opposition à l’assemblée nationale n’a pas manqué de faire le
parallèle sur sa page facebook "Si Madagascar est un pays de droit,
Rajoelina (c’est à dessein que nous n’avons pas écrit la qualité de président)
devrait être déchu de son mandat de président de la République, car il a perdu
sa nationalité malagasy le 21 novembre 2014.
Tidjane Thiam, de nationalité ivoirienne, avait acquis la nationalité française en 1987 alors qu’il avait 25 ans. Conformément à l’article 48 du code de nationalité (https://www.droitci.info/files/112.12.61-Loi-du-14-decembre1961_Code-nationalite.pdf ) "Perd la nationalité ivoirienne, l’Ivoirien majeur qui acquiert volontairement une nationalité étrangère, ou qui déclare reconnaître une telle nationalité ", le tribunal de 1ère instance d’Abidjan vient de radier Tidjane Thiam de la liste électorale, en jugeant qu’ il a perdu sa nationalité ivoirienne (https://www.koaci.com/article/2025/04/22/cote-divoire/politique/cote-divoire-perte-de-nationalite-ivoirienne-la-justice-ordonne-la-radiation-de-la-liste-electorale-de-tidjane-thiam_186274.html )
Le code de nationalité ivoirienne date du 14 décembre
1961 et celui de Madagascar du 22 juillet 1960.
Le lecteur remarquera la quasi similarité des deux codes, notamment
l’article 42 du code malgache " Perd la nationalité malgache, le Malgache
majeur qui acquiert volontairement une nationalité étrangère ".
Coïncidence, Manuel VALLS est actuellement ministre
d’Etat, ministre des Outre-mer. A ce titre, il assistera très probablement au
sommet de la COI, puisque c’est la Réunion qui en est membre et non la France.
C’était le Premier Ministre Manuel Valls qui avait signé le décret du 21
novembre 2014 accordant à Rajoelina la nationalité française.
Pour les intérêts bien compris à long termes des deux
pays, nous osons espérer que le président Emmanuel Macron et le Ministre Manuel
Valls conseillent à Andry Rajoelina de démissionner immédiatement".
Nous reproduisons ci-après l’article :
https://www.madagascar-tribune.com/Nous-savons-que-vous-savez.html
Lettre ouverte au Président
Macron
Nous
savons que vous savez
Quelles que soient les circonstances, il est de
tradition dans notre pays de souhaiter la bienvenue aux étrangers de passage.
C’est donc par ces mots que nous vous accueillons aujourd’hui : “Tonga Soa”.
Tonga soa donc dans une Capitale propre, sans
embouteillages, probablement sans délestages d’eau et d’électricité, avec peu
(ou pas) de sans-abri, avec des tunnels peinturlurés, et surtout sans
opposition manifeste. On ne vous fera pas l’injure de croire que vous êtes naïf
: nous savons que vous savez que ce n’est pas la réalité quotidienne des
Malgaches. Votre administré, le président français de la République de
Madagascar, a fait de son mieux pour vous accueillir dans les meilleures
conditions qui lui étaient possibles, et le pouvoir a fait feu de tout bois
pour vous offrir une belle vitrine de développement et de démocratie. Le fils
de pub, pour reprendre l’expression de Jacques Séguela, excelle dans la poudre
aux yeux. Après les résultats électoraux discutables, les titres honorifiques
suspicieux, une ceinture noire sixième dan douteuse, Andry Rajoelina vous
accueille dans un contexte propre et aseptisé à l’image de son titre de
meilleur leader politique africain : factice.
Il va sans doute vous parler de sa popularité au
sommet, de ses réalisations mirifiques, de l’amour incommensurable que lui
porte la population malgache, de ses réalisations jamais vues à Madagascar
depuis le retour à l’indépendance, et autres éléments de sa réthorique de
propagande. Il est tellement confiant dans sa popularité que le pouvoir a tout
fait pour empêcher les manifestations pendant votre présence sur place, qui
sont d’habitude réprimées dans la brutalité. Vous avez eu à plusieurs reprises
montré un courage démocratique exemplaire en allant dialoguer avec des
manifestants qui vous étaient hostiles. Sans doute le fait que le Président
Rajoelina soit loin d’être énarque explique la différence de conception et de
pratique de la démocratie et des libertés entre vous deux. Lui et ses
hommes-lige ont même inventé un nouveau concept : manifester contre le pouvoir
pendant le Sommet de la COI est un acte anti-patriotique et de dénigrement
contre le pays. Étrange de la part d’un homme qui a fait un coup d’État, entre
autres pour empêcher que Marc Ravalomanana ne bénéficie des retombées de
l’accueil du Sommet de l’Union africaine et de celui de la SADC.
Nous savons que les services de presse de l’Ambassade
effectuent quotidiennement une revue médiatique sur les sujets qui intéressent
la France, et dont une synthèse parvient à Paris. Il ne vous a donc pas échappé
que votre arrivée a été précédée de mouvements d’humeur sur divers sujets. Ne
les prenez pas de façon personnelle, et n’y voyez pas de la francophobie
primaire. Nous avons la lucidité pour comprendre que vous avez été élu et que
vous êtes payé pour servir les intérêts de la France, même si votre position
personnelle nous irrite sur certains sujets. Vous n’avez rien à avoir avec la
colonisation, la séquestration des îles éparses, les événements de 1947,
l’octroi de la nationalité française à un chef d’État en fonction (même si
c’était un mandat volé par la force des armes). Tous ces faits se sont déroulés
avant que vous ne soyez aux affaires. Vous en n’êtes pas coupable, mais vous
savez aussi que vous serez quand même tenu responsable de l’évolution de
certains de ces sujets.
La
frénésie du paraître
L'auteur va se permettre de paraphraser son auteur préféré,
votre Rabelais national : « paraître sans être n’est que ruine de l’âme ». Vos
notes de briefing vous ont certainement parlé du Colisée implanté sans aucune
considération de la sacralité du Rova d’Antananarivo (et qu’il vous fera
certainement visiter pour vous montrer que lui aussi, il s’est mis à l’égal des
rois et reines en bâtissant à cet endroit avec la complicité de quelques
andriana félons) ; de la rénovation du stade Barea (qui jusqu’à ce jour a été
incapable d’être homologué par la Fifa) ; de la polémique sur le prêt octroyé
par la France pour mettre en place le téléphérique dans la Capitale (polémique
que vous connaissez puisque deux sénateurs français ont même interpellé votre
gouvernement sur cet étrange prêt, octroyé à l’orée d’une élection
présidentielle dont la propagande nécessitait des fonds) ; et des projets
mégalomaniaques à venir que sont le Palais des louanges ou du Lac Ivato.
Pendant ce temps, comme vous le savez, les problèmes sociaux et économiques
s’accumulent. Les dérives autocratiques également, et les histoires de Paul
Rafanoharana et du colonel François, qui ne vous sont pas étrangères, ne sont
qu’une infime partie de ce que le peuple malgache subit.
Nous rappelons ces faits, non pas dans l’espoir que
vous allez les solutionner, mais pour nous permettre d’attirer votre attention
sur un point important : après la défection volontaire des États-Unis comme
leader des pays démocratiques, puis le prochain départ de la Fondation
Friedrich Ebert de notre pays, la voix de la France restera à Madagascar la
seule capable de rappeler aux dirigeants les valeurs démocratiques et les
principes de bonne gouvernance à un pouvoir de moins en moins scrupuleux. Il
est en cela encouragé par le comportement de la communauté internationale, car
il est dans l’incapacité de comprendre que derrière la diplomatie de
circonstance dans les paroles et les actes, il y a une lucidité internationale
sur la réalité. On refuse de croire qu’un fort en thème d’exception tel que
vous accorde crédit à la propagande locale. Nous savons que vous savez.
Malheureusement, les intérêts géopolitiques de la
France vous poussent à ménager le peu qui vous reste de pré-carré, après les
divers épisodes dans le Sahel. Toutefois, l’homme de culture et de réflexion
que vous êtes n’est pas sans ignorer qu’à la base de ces dynamiques, il y a eu
une rancœur contre la politique africaine de la France durant des décennies,
marquée par le soutien aveugle à des dictatures fantoches se prétendant
démocrates. Serez-vous un digne successeur du Président Mitterrand dont l’influence
en Afrique a été majeure après son discours de la Baule, ou bien, vous
contenterez-vous de prendre pour modèle le Président Giscard d’Estaing, qui a
préféré laisser faire les dérives de Bokassa jusqu’à en financer la cérémonie
du couronnement ?
Par : RAMAHIRATRA
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