L'Iran défie à nouveau les sanctions : des Boeing 777 détournés via Madagascar attisent les tensions mondiales


Dans une manœuvre audacieuse qui illustre une fois de plus le jeu du chat et de la souris entre l'Iran et les puissances occidentales, cinq Boeing 777-200ER ont été redirigés vers la République islamique via une opération opaque impliquant une immatriculation temporaire à Madagascar. L'Aviation Civile de Madagascar (ACM) a confirmé le 23 juillet que UDAAN Aviation, une entité enregistrée en Inde, avait sollicité une autorisation provisoire pour ces vieux avions – autrefois exploités par Singapore Airlines et NokScoot – avant qu'ils ne disparaissent des radars en route vers l'Iran, probablement destinés à la compagnie aérienne sanctionnée Mahan Air. Ce nouvel épisode dans la quête iranienne pour renforcer sa flotte vieillissante malgré les sanctions américaines ravive les débats sur la sécurité aérienne mondiale, le levier économique, et l'équilibre géopolitique fragile des petites nations comme Madagascar, tout en soulevant des questions troublantes sur la gouvernance locale.

Une provocation face aux sanctions occidentales

Les États-Unis imposent depuis longtemps des sanctions strictes à l'Iran, interdisant l'achat d'avions contenant plus de 10 % de composants américains – une catégorie qui inclut la plupart des modèles Boeing et Airbus. Depuis l'effondrement en 2018 de l'accord sur le nucléaire (Plan d'Action Global Commun, ou JCPOA), qui avait brièvement permis un renouvellement de flotte, Téhéran s'est tourné vers des canaux détournés. Cette opération, passant par une immatriculation temporaire à Madagascar et un transit via le Cambodge, s'inscrit dans une stratégie éprouvée : désactiver les transpondeurs pour éviter la détection, exploiter des failles réglementaires et s'appuyer sur des intermédiaires privés. L'ACM note que les certificats provisoires, expirés depuis le 17 avril 2025, ont été utilisés illégalement, exposant les acteurs impliqués à des risques juridiques majeurs.

Madagascar : un pion malgré lui dans une gouvernance fragile

Pour Madagascar, cette affaire met en lumière les failles d'une gouvernance souvent critiquée pour son manque de transparence et son incapacité à faire face aux pressions internationales. L'ACM, bien qu'ayant émis un communiqué, semble avoir été dépassée par les événements, suggérant soit une incompetence structurelle, soit une influence extérieure imposant des décisions. Le secteur aéronautique malgache, déjà fragilisé par la crise d'Air Madagascar – entrée en redressement judiciaire et réduite à des vols domestiques – manque de ressources pour superviser efficacement les immatriculations provisoires. Le directeur général actuel de l'ACM, Tovo Ramaholimihihaso Rabemanantsoa, reste en poste malgré des scandales passés de corruption et de malversations, comme ceux révélés en 2020 impliquant des faux certificats. Cela soulève la question : qui a le pouvoir de faire passer de tels passe-droits ?

Il est évident que la capacité du gouvernement malgache actuel à comprendre les risques géopolitiques est limitée. Le pays, souvent sanctionné par l'OACI pour des "problèmes graves de sécurité", n'a pas les moyens d'analyser les répercussions d'une telle opération sur sa réputation ou sa souveraineté. L'absence de réaction forte de l'ACM suggère soit une méconnaissance des enjeux, soit une incapacité à résister à des pressions. Qui détient réellement le pouvoir dans ce secteur ? Le directeur de l'ACM, sous la tutelle du ministère des Transports dirigé par Valéry Ramonjavelo, pourrait être un exécutant, mais des figures influentes – peut-être des oligarques ou des partenaires étrangers – semblent tirer les ficelles. Les passe-droits, facilités par des certificats falsifiés ou des autorisations expéditives, pointent vers une corruption systémique, où des intérêts personnels priment sur l'intérêt national.

Une hypothèse plausible est que des acteurs puissants, peut-être des officiels corrompus ou des intermédiaires comme UDAAN Aviation, ont exploité la faiblesse institutionnelle. Le pays, membre de l'ASECNA (Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar), devrait théoriquement bénéficier d'une supervision régionale, mais l'absence d'action décisive suggère soit une négligence, soit une complicité passive. Certains pourraient arguer que l'incompétence chronique de l'ACM, combinée à une corruption endémique – documentée par des audits internes et des enquêtes du Pôle Anti-Corruption – a permis ce transfert. D'autres pourraient supposer qu'une puissance étrangère, peut-être la Chine (où les avions ont été stockés), a exercé une pression économique irrésistible, rendant Madagascar complice malgré lui.

Risques et implications globales

Les risques sont multiples. La sécurité aérienne est menacée par des avions potentiellement mal entretenus, dépourvus de pièces certifiées, augmentant le risque d'accidents. Cette opération pourrait inspirer d'autres nations sous sanctions, érodant le système international de régulation. L'implication présumée de la Chine risque d'exacerber les tensions sino-occidentales, tandis que Madagascar pourrait subir des représailles économiques ou des audits internationaux. Sur le plan stratégique, l'Iran gagne une capacité aérienne duale, mais cela pourrait pousser les États-Unis à durcir leurs sanctions, affectant aussi les intermédiaires et les pays de transit.

Une toile d'araignée géopolitique et sociale

Derrière cette affaire se dessine une toile complexe. UDAAN Aviation pourrait être une façade pour des réseaux impliquant des officiels malgaches ou chinois. Le choix du Cambodge et l'extinction des transpondeurs au-dessus de l'Afghanistan indiquent une coordination sophistiquée. Sur le plan social, cette situation aggrave la défiance envers les institutions malgaches, déjà minées par des scandales comme celui d'Air Madagascar, où des "personnels fantômes" et des avantages indus ont été dénoncés. À long terme, Madagascar risque de devenir une "loque" géopolitique, exploitée par des puissances plus fortes, si sa gouvernance ne se réforme pas.

Face à cette érosion des sanctions, les États-Unis pourraient imposer des audits rigoureux ou des sanctions secondaires, mettant Madagascar sous pression. L'ASECNA, sous Roland Ranjatoelina, devra clarifier son rôle, tandis que l'ACM pourrait être forcée de durcir ses contrôles. Pour l'Iran, ce succès temporaire pourrait se retourner contre lui si une coalition internationale agit enfin. Dans ce jeu d'échecs, chaque mouvement révèle des failles – et des dangers croissants pour une nation prise dans un engrenage qu'elle ne maîtrise pas.

Liens connexes :
https://simpleflying.com/boeing-777s-transfered-iran-despite-sanctions/

https://lgdi-madagascar.com/2025/07/24/la-une/dernier-exploit-de-rajoelina-vazaha-aider-liran-a-contourner-les-sanctions-americaines/ 

(Utiliser un proxy pour ouvrir ces liens car ils sont bloqués à Madagascar)

Par : RAMAHIRATRA



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