Rebondissement - Affaire Boeing 777 : une affaire de faux papiers qui sent l’écran de fumée à Madagascar

Une surprise trop bien jouée ?

L’affaire des cinq Boeing 777-200ER détournés vers l’Iran via une immatriculation provisoire à Madagascar prend une tournure encore plus suspecte. Après des semaines de silence, le gouvernement malgache a publié un communiqué officiel, feignant la surprise en affirmant que des faux documents ont permis à ces aéronefs de quitter le pays à destination de l’Iran, malgré les sanctions internationales.

L’Aviation Civile de Madagascar (ACM), dirigée par le colonel Gervais Damasy depuis 2023, avait initialement délivré des Certificats d’Immatriculation Provisoire (CIP) et des Certificats de Navigabilité Provisoire (CNP) valables jusqu’au 17 avril 2025, sous prétexte d’un transfert pour maintenance au Kenya. Ces documents, expirés depuis, auraient été falsifiés pour prolonger leur usage, et le ministre des Transports et de la Météorologie, Valéry Ramonjavelo, a annoncé une plainte pour atteinte à la sûreté de l’État. 

Pourtant, l’ébahissement soudain du gouvernement soulève des doutes : cette indignation tardive ne serait-elle pas un écran de fumée pour masquer des complicités internes ? La facilité avec laquelle ces cinq gros-porteurs – bien au-delà des capacités de Madagascar, qui ne possède aucun appareil de cette taille – ont transité, restant stationnés en Chine avant de réapparaître en Iran via le Cambodge, interroge. L’absence de suivi physique ou de vérification rigoureuse suggère une négligence ou une coordination qui dépasse une simple erreur administrative, surtout quand le régime actuel, à travers des figures populaires comme Augustin Andriamananaoro ou le général Richard Ravalomanana, n'est pas étrangers à des liens avec l’Iran ou aux acteurs impliqués, dans un contexte où rien n’arrive par hasard dans une affaire d’État de cette envergure.



Un écran de fumée pour cacher quoi ?

Il est difficile de croire que l’État malgache, y compris l’ACM, ait été pris au dépourvu par le passage de cinq gros-porteurs. Ces Boeing, immatriculés temporairement sous les codes 5R-RIS, 5R-ISA, 5R-HER, 5R-IJA et 5R-RIJ en janvier 2025, n’ont jamais foulé le sol malgache. 

Le ministre Ramonjavelo et le colonel Damasy affirment que l’opération a été orchestrée par UDAAN Aviation avec des documents falsifiés, mais comment une institution, même sous-ressourcée, n’a-t-elle pas remarqué l’absence physique de ces aéronefs ou la prolongation illégale des certificats au-delà d’avril 2025 ? 

Cette soudaine prise de conscience, après les révélations internationales, ressemble davantage à une tentative de se dédouaner qu’à une véritable surprise. Pour beaucoup, cette réaction gouvernementale sent l’opération de diversion. L’ACM, sous la tutelle du ministère des Transports, a été critiquée par des figures comme Rinah Rakotomanga, ancienne présidente de Madagascar Airlines, qui accuse directement Valéry Ramonjavelo d’avoir poussé à la délivrance précipitée de ces documents. Elle évoque une manipulation orchestrée, suggérant que l’histoire de maintenance au Kenya n’était qu’un prétexte pour camoufler un transfert vers l’Iran. 

Si des officiels corrompus ou des réseaux influents ont facilité cette opération – peut-être en échange de pots-de-vin ou sous pression étrangère –, le gouvernement pourrait chercher à limiter les dégâts en pointant du doigt des boucs émissaires. L’arrestation annoncée de promoteurs locaux, sans noms précis, renforce cette impression d’une enquête sélective visant à protéger les vrais responsables. La Chine, où les avions ont été stockés, ou l’Iran lui-même pourraient avoir exercé une influence, exploitant la fragilité institutionnelle malgache, mais le silence initial de l’État malgache avant les révélations médiatiques laisse penser à une complicité minimisée.

Gouvernance en question et risques géopolitiques

La gouvernance malgache, déjà fragilisée par des scandales comme ceux d’Air Madagascar, apparaît une fois de plus incapable ou réticente à assumer ses responsabilités. Le colonel Damasy, ancien enquêteur en accidents aériens, a hérité d’une ACM marquée par des irrégularités passées, mais son inaction face à un tel volume d’avions soulève des soupçons d’incompétence ou de connivence. Le ministre Ramonjavelo, qui a promis une collaboration avec l’OACI et une enquête interne, risque de voir sa crédibilité entachée si des preuves de corruption émergent. Pour Madagascar, les conséquences sont lourdes : les États-Unis, vigilants sur les violations des sanctions contre l’Iran, pourraient menacer l’AGOA, vital pour l’exportation de vanille, tandis que la réputation internationale du pays s’effrite. 

Sur le plan géopolitique, l’Iran renforce sa flotte, potentiellement pour des usages militaires via Mahan Air, défiant les sanctions américaines. Le risque d’accidents avec des avions mal entretenus persiste, et Madagascar pourrait devenir une cible pour d’autres opérations illicites si cette faiblesse n’est pas corrigée. L’écran de fumée gouvernemental, s’il est confirmé, ne fera qu’aggraver la méfiance internationale et locale envers le régime Rajoelina.

Une toile d’opacité persistante

Cette affaire révèle une toile d’influence où UDAAN Aviation, présentée comme une société d’exportation d’épices, sert de prête-nom pour un réseau plus vaste. Les faux papiers, la désactivation des transpondeurs au-dessus de l’Afghanistan et l’absence de suivi physique suggèrent une planification sophistiquée, impliquant peut-être des officiels malgaches ou des partenaires étrangers. Si le gouvernement continue de jouer la carte de l’innocence, une enquête indépendante – hors du contrôle ministériel – sera nécessaire pour démêler cette intrigue. Sinon, Madagascar risque de rester un pion manipulé dans un jeu géopolitique qu’il peine à comprendre, laissant planer le doute sur qui tire réellement les ficelles.


Par : RAMAHIRATRA


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