Chaos à Antananarivo : la jeunesse malgache se soulève contre les coupures d’électricité, des violences meurtrières et des pillages éclatent dans la capitale et les provinces

Une marche pacifique qui vire au chaos

Antananarivo, Madagascar – 27 septembre 2025 – Une marche pacifique de la « Gen Z Madagascar » contre les coupures d’électricité et d’eau à Antananarivo s’est transformée, le 25 septembre, en une journée de chaos sans précédent, marquée par des violences meurtrières et des pillages massifs. Ce « jeudi noir » a fait au moins cinq morts, des dizaines de blessés et plongé la capitale sous un couvre-feu strict, tandis que des troubles similaires ont embrasé plusieurs provinces, étendant la contestation au-delà des frontières urbaines. Les manifestations, initiées par une jeunesse organisée via les réseaux sociaux, ont révélé une colère profonde face à la mauvaise gestion gouvernementale.

Ce qui avait débuté à 10 heures par une marche pacifique, avec des slogans comme « Mila jiro, mila rano » (« Nous voulons de l’électricité, nous voulons de l’eau »), a basculé dès midi dans la violence à Antananarivo. Les forces de l’ordre, déployées massivement pour faire respecter une interdiction de rassemblement, ont utilisé gaz lacrymogènes, balles en caoutchouc et, plus tard, balles réelles pour disperser la foule. Les manifestants, initialement pacifiques, ont répondu par des jets de pierres et des barricades enflammées, transformant des quartiers comme Ankatso, Ambondrona et Analakely en champs de bataille. Des vidéos circulant sur le net montrent des scènes de chaos : fumées toxiques, débris jonchant les rues et cris de colère face à une répression brutale.

La violence s’est accompagnée d’une vague de pillages dévastateurs, touchant des dizaines de commerces et d’infrastructures dans la capitale. Parmi les cibles, les supermarchés Super U de quelques quartiers, la banque BNI à Anosibe, le centre commercial Waterfront et la boutique Cosmos à Andranomena ont été saccagés, vidés de leurs marchandises ou incendiés. Des stations comme le téléphérique d’Anosibe et des propriétés privées, dont celles de figures politiques comme Naivo Raholdina, ont été vandalisées ou brûlées. « Les rues sont jonchées de débris – pneus brûlés, vitres brisées – et la ville semble désertée », a confié un habitant à RFI, décrivant une capitale paralysée, où écoles et commerces ont fermé sous le choc.

Propagation du chaos et réponse autoritaire

Mais le feu de la contestation s’est rapidement propagé aux provinces, notamment à Toamasina, Toliara et Antsiranana (Diégo Suarez) et à Antsirabe où des manifestations similaires ont connu des débordements comparables, amplifiant l’instabilité nationale. L’ambassade de France a explicitement déconseillé les déplacements dans la zone, soulignant une « situation volatile » avec des risques de pillages sporadiques dans les marchés locaux. Ces flambées provinciales, bien que moins intenses qu’à la capitale, illustrent un mouvement décentralisé, alimenté par les mêmes frustrations structurelles et les réseaux sociaux.

Face à l’escalade nationale, un couvre-feu de 19h à 5h a été imposé dès le soir du 25 septembre, prolongé dans Antananarivo et étendu à d’autres villes comme Antsirabe pour « rétablir l’ordre », selon le préfet Angelo Ravelonarivo. Des vols internationaux, comme ceux d’Emirates, ont été annulés, et la France a déconseillé tout voyage non essentiel dans les zones affectées. Depuis l’ONU, Rajoelina a annoncé le limogeage d’Olivier Jean-Baptiste, accusé d’avoir échoué à résoudre la crise énergétique. Mais ce geste, perçu comme un aveu d’impuissance, peine à calmer une jeunesse galvanisée. Le Conseil des Églises chrétiennes de Madagascar (FFKM) a appelé à la paix, tout en pressant le gouvernement de répondre aux besoins fondamentaux. Alors que la capitale et les provinces restent sous tension, ce déferlement de violence – tirs à balles réelles, morts, pillages – reflète un malaise plus profond, où la pauvreté et les promesses non tenues attisent un feu que le régime peine à éteindre.

Une orchestration suspecte des troubles

Mais au-delà des apparences, une ombre plane sur ces événements : comment expliquer l’absence flagrante des forces de l’ordre lors des pillages massifs, alors qu’elles étaient déployées en masse pour réprimer la marche pacifique des manifestants ? Le matin même, le général Ravalomanana Baomba multipliait les discours rassurants, affirmant haut et fort que les policiers et militaires étaient là pour « protéger la population et leurs biens ». Une rhétorique vide de sens, quand on voit les supermarchés et commerces livrés à la merci des casseurs sans la moindre intervention. Cette incohérence criante ne peut être le fruit du hasard ; elle suggère une orchestration minutieuse, où les autorités pourraient bien avoir laissé faire – voire encouragé – le chaos pour discréditer le mouvement légitime de la jeunesse.

Des sources fiables, issues des cercles militaires eux-mêmes, révèlent une division profonde au sein des forces armées, un schisme qui pourrait bien être le prélude à un coup d’État larvé. La police et les bérets rouges (militaires) refusent de plus en plus de suivre les ordres, lassés de réprimer leurs compatriotes au nom d’un régime vacillant. Seuls les bérets noirs, les gendarmes loyaux au pouvoir, restent aux ordres, formant une garde prétorienne impitoyable. Et voici le détail le plus alarmant : une fois la nuit tombée, ces mêmes gendarmes seraient complices des casseurs, facilitant les pillages sous couvert d’obscurité. Comment un couvre-feu strict, imposé de 19h à 5h, peut-il coexister avec une vague de saccages ininterrompue ? Cette tolérance nocturne n’est pas une faille ; c’est une stratégie, une manipulation pour semer la peur et justifier une répression encore plus féroce.

Un président déconnecté et un régime à l’agonie

Au cœur de cette tourmente, l’intervention du président Andry Rajoelina depuis New York, lors de l’Assemblée générale des Nations Unies, apparaît comme un fiasco absolu, une mascarade pathétique qui ne trompe plus personne. Annonçant le limogeage d’Olivier Jean-Baptiste, le ministre de l’Énergie, comme si un simple changement de tête pouvait éteindre les flammes d’une crise nationale profonde, Rajoelina s’est contenté de discours vides, recyclant des promesses éculées sur une « résolution rapide » des coupures d’électricité. Mais qui croit encore à ces gesticulations ? Ce n’est pas un limogeage qui arrêtera les manifestations ; c’est une admission déguisée d’échec, un pansement sur une hémorragie, alors que les rues d’Antananarivo et des provinces brûlent. Cette réponse cosmétique, délivrée depuis les salons feutrés de l’ONU, révèle un dirigeant déconnecté, fuyant la réalité malgache pour se pavaner sur la scène internationale, pendant que son peuple suffoque dans l’obscurité et la répression.

Un peuple affranchi et un appel à la communauté internationale

Et si cette intervention n’était qu’une ultime tentative de sauvetage ? Car il faut le dire haut et fort : c’est fini pour Rajoelina en tant que PRM. Le peuple malgache, cette jeunesse intrépide de la Gen Z, l’a vomi une fois pour toutes, s’affranchissant enfin de la peur viscérale du « Gagazo » – cette machine répressive qui a si longtemps muselé les voix dissidentes. Les slogans ne faiblissent pas ; au contraire, ils se propagent comme un virus incontrôlable, des ruelles d’Antananarivo aux places de Toamasina et d’Antsiranana. Même dans les provinces les plus reculées, ça bouge maintenant : des villages isolés rapportent des assemblées clandestines, des barricades improvisées, et une solidarité nationale qui transcende les clivages ethniques ou régionaux. Ce n’est plus une étincelle ; c’est un brasier qui ne s’arrêtera pas, alimenté par des décennies de corruption et d’inégalités, et que aucun limogeage cosmétique ne pourra étouffer.

À la communauté internationale, il est temps d’agir comme un véritable allié du peuple malgache en encourageant fermement Andry Rajoelina à démissionner et à quitter le pouvoir de manière ordonnée. Les États-Unis, la France, l’Union européenne, et d’autres partenaires peuvent jouer un rôle décisif en facilitant une transition pacifique, supervisée par des observateurs neutres, pour répondre aux aspirations légitimes de la jeunesse et limiter les dégâts humains. Ce soutien, porté par un engagement humanitaire sincère, ouvrira la voie à un avenir où la voix du peuple malgache pourra enfin guider la reconstruction de son pays. Derrière les violences et les pillages, le risque d’un putsch déguisé par des factions rivales reste réel ; agissons dès maintenant avec courage et solidarité pour éviter un effondrement total et offrir à l’île rouge une renaissance méritée.

L’ultime sursis du SADC : un soutien empoisonné au régime

La Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), par la voix de son secrétaire exécutif H.E. Mr. Elias M Magozi le 27 septembre 2025, exprime sa préoccupation concernant les manifestations violentes à Antananarivo et ailleurs depuis le 25 septembre, tout en réaffirmant son soutien au peuple et au gouvernement malgaches pour restaurer la paix et la stabilité. Elle appelle à la retenue des forces de l'ordre et invite les manifestants à exprimer leurs griefs pacifiquement, dans l’intérêt de l’unité nationale.

Cependant, cette approche diplomatique ne doit pas éclipser la voix puissante et légitime de la jeunesse malgache, dont les revendications pour l’électricité, l’eau et une gouvernance juste résonnent bien au-delà des couloirs politiques. Ce n’est pas aux parlements de masquer leur cri ; c’est à la communauté internationale de les écouter et d’agir, en plaçant leurs aspirations au cœur d’une solution viable, plutôt que de s’en tenir à des formules qui risquent de perpétuer l’injustice.

La convocation américaine : vers une recherche de solutions de sortie de crise

Et voilà que l’ambassade des États-Unis à Antananarivo, dans un geste significatif, a annulé tous ses services consulaires le 26 septembre, citant des préoccupations de sécurité face à l’escalade des troubles. Mais au-delà de cette mesure protectrice pour les citoyens américains, des sources indiquent une convocation urgente d’officiels malgaches pour discuter de « solutions de sortie de crise ». Officiellement présenté comme une initiative pour sauvegarder la stabilité, ce mouvement diplomatique suggère que Washington explore activement des voies pour une transition ordonnée. Des murmures parlent d’un dialogue sur un départ contrôlé, marquant une distance publique avec les alertes aux voyageurs et la suspension des services, potentiellement ouvrant la voie à un avenir où la jeunesse malgache s’exprimerait librement. 

L’horloge tic-tac, et pour Rajoelina, elle approche inexorablement de minuit.

Par : RAMAHIRATRA

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